Winner of the Pulitzer Prize

Telerama: The Sympathizer Review

Nathalie Crom reviews The Sympathizer by Viet Thanh Nguyen. Originally published on Telerama
The Sympathizer by Viet Thanh Nguyen, French cover
The Sympathizer by Viet Thanh Nguyen, French cover

1975, chute de Saigon. Un agent double fuit aux Etats-Unis et se confesse. Au-delà du roman d’espionnage, une méditation sur la condition humaine.

« Je suis un espion, une taupe, un agent secret, un homme au visage double… », se présente le narrateur du Sympathisant. On ne connaîtra pas son nom, le texte qu’on lit est sa confession, le long aveu d’un homme « capable de voir n’importe quel problème des deux côtés » et qui entreprend de retracer sa vie, alors qu’il est emprisonné, on ne sait encore ni où ni pour quel motif. Ce dédoublement qu’il affiche comme l’essence de sa personnalité, sa généalogie « aussi vile que troublée » en porte la marque : il est né des amours transgressives d’une Vietnamienne et d’un prêtre français. Ce dédoublement, il l’a mis en acte : lorsque commence son récit, nous sommes en 1975, Saigon est sur le point de tomber, et lui de fuir le Vietnam vers les Etats-Unis dans les ­bagages du général de l’armée sud-vietnamienne dont il est le conseiller — en apparence, car il est en réalité un agent communiste infiltré.

Une certaine tonalité ombreuse et incisive dans la voix, dans le phrasé de ce personnage prévient dès les premières pages que si Le Sympathisant (lauréat en 2016 du prix Pulitzer) semble épouser les codes du roman d’espionnage, l’ambition impeccablement tenue de son auteur est de s’extraire du genre pour atteindre à d’autres visées. Déroulant l’itinéraire de son agent double réfugié en Californie, bientôt consultant technique d’une superproduction hollywoodienne sur la guerre du Vietnam tournée aux Philippines, aspirant toujours à retrouver Saigon devenue Hô Chi Minh-Ville, le hautement talentueux Viet Thanh Nguyen ménage à son intrigue captivante une sorte de double-fond méditatif. Un espace dense dans lequel se déploie une réflexion morale — sur l’engagement idéologique, la légitimité de la violence, l’impossible innocence —, qui exhausse sans cesse cet impressionnant Sympathisant vers le roman philosophique et existentialiste. Pas loin de Graham Greene, plus proche encore peut-être de Camus.

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