Winner of the Pulitzer Prize

Le Figaro Magazine Reviews The Sympathizer

The following is a review of Viet Thanh Nguyen’s The Sympathizer, originally published in the French-language newspaper, Le Figaro Magazine.

Le Figaro Littéraire Reviews Viet Thanh Nguyen's The Sympathizer
Le Figaro Littéraire

LA GUERRE DU VIETNAM est finie. Et avec elle, son cortège de romans sur l’offensive du Têt, l’évacuation dramatique de Saïgon, autant d’images de fer et de feu abondamment diffusées par le cinéma. L’auteur du Sympathisant, Viet Thanh Nguyen, est d’une autre génération, celle des enfants boat people réfugiés en Occident, en l’occurrence aux États-Unis. Celle qui consent à aborder le passé d’un autre point de vue, quitte à jouer dangereusement avec les souvenirs et les fêlures de ses aînés. C’est ce que fait le narrateur du Sympathisant.

Ce jeune officier dans l’armée du Sud-Vietnam vit les derniers jours de Saïgon, quittant la ville in extremis, par avion, avec les autorités militaires. Le voilà réfugié aux États-Unis, en Californie où sa communauté en exil tente de recréer un petit Vietnam hors les murs. La plupart souffrent déjà du syndrome de l’émigré, craignant autant qu’ils l’adulent le pays qui les a accueillis. Ils redoutent de perdre leur âme, leur culture et leurs racines, et entretiennent l’espoir stérile d’un retour à « avant »… De quoi le narrateur est-il sympathisant? Du nouveau régime ? Ce serait trop simple. On découvre vite que cet homme est perpétuellement entre deux rives. Né d’une misérable union franco-vietnamienne, il est

Par gène un agent double. Étudiant, il a écrit un mémoire sur Mythe et symbole dans

La littérature de Graham Greene, ce qui montre ses dispositions. Tout chez lui hésite: l’Amérique l’a sauvé mais l’écoeure par son arrogance, sa débauche d’argent et de lumière. Il tombe sous le charme de Lana, la fille de son général, qui est devenue une chanteuse à la mode ; elle le fascine, et pourtant elle incarne justement une génération passée à autre chose et, partant, fortement « américanisée ». Au nom des idéaux anticommunistes prônés par ses amis, notre homme est conduit à éliminer des réfugiés suspects ou encombrants, mais c’est le même qui transmet au nouveau pouvoir vietnamien des informations par lettre codée sur la vie des dissidents de Los Angeles. Il participera d’ailleurs à une opération destinée à installer un maquis contre-révolutionnaire en Thaïlande, sans se faire d’illusion sur le succès de l’entreprise. Alors ? Écrivain virtuose, Viet Than Nguyen oscille entre la grande fresque et le monologue intérieur. Le sommet du roman: le narrateur devient conseiller d’un film sur la guerre. Il s’agit pour lui de donner chair, corps et âme aux soldats du Vietcông, la plupart des figurants, que les scénaristes yankees ont négligés, pour ne célébrer que la plus grande gloire de l’Amérique. Il découvre ainsi que son histoire, celle de son peuple, est devenue une vulgaire fiction en Technicolor. Jamais l’auteur ne se départ de sa voix, à la fois narrative et sarcastique. On apprend, à un stade du livre, que ce récit serait sa confession. Cela n’ôte rien à la ferveur avec laquelle on lit cette incroyable épopée, mais on s’interroge : qui est-il vraiment, cet homme fait d’ombres et de lumières ? Et ce qu’il dit de lui, est-ce la vérité ? C’est de cette incertitude que naît et croît ce roman, le plus ambitieux et le plus abouti qui soit. Hypnotisé, le lecteur consent à devenir lui aussi, de cette histoire terrible, de ses ambiguïtés et de ses ressorts intimes, le sympathisant.

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